VIH, lutte et résilience : Housing Works réalise la deuxième édition de sa journée Portes Ouvertes
- Odelpa

- il y a 4 heures
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Tandis que la crise sécuritaire continue de déchirer le tissu social haïtien, l'organisation Housing Works a opposé au statu quo une réponse à la fois créative et déterminée. Deux jours avant la Journée mondiale de lutte contre le SIDA, son espace à Pétion-Ville s'est transformé en un foyer de mobilisation artistique et sanitaire. Sous le thème « Repenser la lutte contre le VIH, renforcer la prévention : ensemble, surmonter les défis », cette deuxième édition de sa Journée Portes Ouvertes a constitué un tournant stratégique dans la riposte nationale, notamment dans un contexte de ressources financières paralysées.
Le succès retentissant de la première édition avait déjà révélé l'ampleur de la soif d'information du public, particulièrement la jeunesse. L'édition 2025, marquée par une affluence accrue, s'est positionnée comme une réponse concrète à ces attentes, offrant un cadre unique de dialogue, de sensibilisation et d'expression artistique.
Un plaidoyer tenace face au silence de l’État

D’entrée de jeu, la Directrice Pays de Housing Works, Dr Eva Marly STEIDE, a posé les termes du combat. Après avoir chaleureusement salué l’assistance, elle a rappelé les efforts de plaidoyer stratégique déployés par l’institution pour assurer la continuité de ses actions en dépit du gel des financements.
« Housing Works déploie des réponses nationales multiples : un fonds de soutien aux PVVIH, des programmes de prévention et des actions de sensibilisation », a-t-elle déclaré.
Poursuivant sur une note de ferme détermination, elle a ajouté : « Néanmoins, nous demeurons dans l’attente d’une réponse structurelle de l’État. Pendant ce temps, notre combat se poursuit sans relâche, car nous militons pour le respect absolu des droits et la dignité des Personnes Vivant avec le VIH. Cette mobilisation d’aujourd’hui incarne précisément cette persévérance, où chacun puisse repartir mieux informer, mieux outillé et plus conscient des méthodes de prévention accessibles, notamment la Prophylaxie pré-exposition (PrEP) et la Prophylaxie post-exposition (PEP), dont l’importance est plus cruciale que jamais ».
La PEP entre urgence médicale et réalités sociales

Au cœur de la programmation, une émission foraine spéciale a été consacrée à la Prophylaxie Post-Exposition (PEP). Animée par Xaviera R. ELIE, cette discussion a réuni sur son plateau des expertises complémentaires, offrant un panorama à la fois technique et humain de cet enjeu de santé publique.
La première séquence a permis de poser les fondements. Dr Maureen LEONARD, Conseillère Clinique Principale à l'ISPD, a détaillé avec précision le protocole d'utilisation de la PEP, ce traitement d'urgence qui doit être initié dans les 72 heures après une exposition potentielle au VIH, en insistant sur son efficacité et son caractère vital. Dans un contraste saisissant, Me Abigaïl DEROLIAN, Responsable de la section VBG de l'organisation féministe « Nègès Mawon », a dressé un tableau des obstacles systémiques. Elle a exposé les dures réalités des survivantes de violences, pour qui l'accès à ce traitement est souvent entravé par la peur, la stigmatisation, la méconnaissance et la dislocation des services de santé due à la crise. Elle a aussi rappelé que la réponse médicale ne peut être dissociée d'un plaidoyer continu pour la justice et l'accès aux droits.
La deuxième partie des échanges a élargi la perspective vers les stratégies globales. Fort de son expérience de terrain et de l'engagement salué lors de la précédente édition, Dr Christian MOUALA, Directeur Pays de l'ONUSIDA, a présenté les dernières orientations et avancées portées par l'agence onusienne dans la lutte mondiale. Son intervention a trouvé un écho direct dans celle du Dr Steeve SMITH, Responsable du service de prévention au Programme National de Lutte contre le SIDA du Ministère de la Santé Publique (PNLS/MSPP). Ce dernier a articulé les stratégies de prévention nationales, démontrant comment les actions concrètes sur le terrain, comme la promotion de la PEP, s'inscrivent dans l'objectif ambitieux mais essentiel pour l'élimination du VIH d’ici 2030.
Housing Works au carrefour de sensibilisation et d'échanges

Le hall principal avait été ponctué de messages visuels percutants, rappelant les moyens de prévention. Au centre, une constellation de stands, soigneusement agencés, accueillait les représentants de plus d'une dizaine d'organisations partenaires, telles que l'ISPD, l'Institut Panos, Serovie et FOSREF. Chaque espace était un point d'accès à l'information, au dialogue et à des ressources, matérialisant ainsi la diversité et la complémentarité des acteurs engagés dans la lutte. Ces structures ont non seulement exposé des outils pédagogiques sur le VIH et les méthodes de prévention, mais ont également mis en avant le pilier communautaire de la réponse. Des organisations comme Marijàn y ont présenté leur travail sur les violences basées sur le genre (VBG) et l'autonomisation. Parallèlement, des stands d'artisanat et de gastronomie, réalisé par l'AFIAVIH et FOLAJ+, ont valorisé les créations des Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH). Cette mise en lumière faisait directement écho à la campagne de financement participatif lancée par Housing Works en 2024 pour soutenir leurs activités génératrices de revenus. Enfin, une salle d'exposition adjacente retraçait quant à elle les actions de Housing Works.
Quand l’art est aussi au rendez-vous
La dimension culturelle a constitué l'un des moments les plus saisissants de la journée. La compagnie de « Théâtre Ami » a présenté une œuvre originale, conçue et dirigée par Housing Works, intitulée « Swasann douzèd tan ». Cette pièce, un drame social percutant, a placé sous projecteurs la Prophylaxie Post-Exposition (PEP), en abordant avec une justesse son urgence dans les cas de viol. En mettant en scène la fenêtre d’intervention critique de 72 heures, la troupe a réussi le pari difficile d’associer une émotion tangible à une information de santé vitale, rendant le message mémorable.
Plus tard, le public a été portée par la voix envoûtante de la chanteuse Néhémie BASTIEN, sur les notes « Refren doulè ». Elle a glorifié au passage le soutien apporté par Housing Works à l’atelier « ATEMO.
La voix des participants

Le succès de l'événement s'est également mesuré à l'aune des réactions des participants. « C'était une belle activité et elle était très enrichissante. Je suis contente qu’une sensibilisation axée sur la PEP a été au rendez-vous. Beaucoup de gens parlent du VIH, de la PrEP, des ARV, mais ils oublient la PEP », a expliqué Jhovany HERARD.
Et de poursuivre : « La seule chose qui m'a un peu déplu, c'est qu'il n'y a aucun endroit où l'on peut trouver la PrEP. C'est comme s'ils venaient à oublier les gens qui ne sont pas des PVVIH ». Cette remarque met en lumière le fossé persistant entre la sensibilisation et l’accessibilité réelle des outils de prévention, une lacune qui appelle à une mobilisation renforcée des acteurs institutionnels et communautaires.
L’édition 2025 de la Journée Portes Ouvertes de Housing Works a pleinement incarné sa mission : créer un espace où l’accès à l’information, la prévention, l’expression artistique et la dignité des personnes affectées convergent. Un sentiment de fierté se lisait sur les visages des organisateurs. Cette journée a ainsi démontré que même dans un contexte de contraintes extrêmes, la mobilisation par la connaissance, l’art et la communauté reste une force irremplaçable
Marc-Kerley FONTAL





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