Quand l’identité prime sur la santé : l’expérience d’un homme transgenre
- Odelpa

- il y a 9 minutes
- 2 min de lecture

« Dans les hôpitaux, les interrogations se basent sur mon identité plutôt que sur ce dont j'ai besoin », c’est le cri de cœur de Dominique SAINT VIL, leader de l'Organisation Trans d'Haïti (OTRAH). Il révèle le calvaire vécu par les minorités sexuelles confrontées au système de santé haïtien. Dans ce contexte où l'accès aux soins demeure déjà un luxe pour une majorité, les obstacles s'érigent en murailles pour les communautés marginalisées. Les personnes transgenres, en particulier, se retrouvent prises au piège. Elles doivent non seulement composer avec la pénurie structurelle de ressources médicales, mais aussi affronter des préjugés qui transforment chaque simple consultation en une véritable épreuve psychologique. C'est une discrimination institutionnelle qui s'ajoute insidieusement aux faiblesses endémiques du réseau de santé, imposant une double peine à celles et ceux qui tentent désespérément d'accéder à des soins essentiels.
Le prix de l'identité
Le système de santé haïtien n'offre à Dominique aucun répit. Seule la Clinique Dentaire, confie-t-il, lui permet d'échapper, l'espace d'un instant, au sentiment constant d'être « suivi ». Une expérience récente démasque la mécanique implacable de cette exclusion. « Dernièrement, alors que je souffrais d'un problème orthopédique, on m'a référé à un spécialiste. Dès la barrière, l’accueil était catastrophique. Arrivé à la cabine du médecin, le calvaire s'est intensifié. Sur chaque quinte de questions personnelles, je trouvais à peine un mot sur mon cas. Cela m’a largement dérangé puisque la douleur était là, je voulais qu'on me soigne, pas qu'on m’inspecte », raconte-t-il la rage perçant dans sa voix.
Cette dérive se double d'une absence structurelle de services. Le défenseur des droits-humains déplore que l'offre de soins n'inclue aucun service gynécologique adapté aux hommes transgenres. Cette carence dresse une barrière infranchissable pour l'accès aux examens vitaux. Selon lui, c’est une discrimination systémique qui génère des conséquences dramatiques : des diagnostics retardés, l'apparition de complications évitables et, surtout, la destruction progressive de toute confiance envers les structures de santé.
Le prix de cette stigmatisation est l'auto-exclusion. « Si rien n’est fait et que cette situation persiste, je ne me rendrai plus dans les centres médicaux » affirme-t-il.
Vers un système de santé avec des services

Dominique SAINT VIL plaide pour des modalités de soin respectueuses. « Nul ne devrait avoir à justifier de son identité pour recevoir les traitements lies à ses besoins » exige-t-il. Selon lui, la clarté du diagnostic, la confidentialité et le respect de l'individu doivent être considérés comme non négociables.
Ce témoignage va bien au-delà de la simple dénonciation. Il se mue en un véritable manifeste pour une révolution des pratiques médicales en Haïti, où le soin doit retrouver sa place centrale, libéré du carcan des préjugés identitaires. Il révèle les failles profondes d'un système de santé qui, pour être fonctionnel, doit apprendre à regarder au-delà des apparences. Alors qu'Haïti s'efforce de se reconstruire, l'inclusion effective des populations marginalisées ne constitue pas une option politique, mais une nécessité absolue pour bâtir une santé véritablement publique et accessible à tous.
Marc-Kerley FONTAL





Commentaires