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Les cris silencieux des femmes victimes de violences en Haïti

  • Photo du rédacteur: Odelpa
    Odelpa
  • 14 juil.
  • 3 min de lecture

Par Jobenson Andou



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Au milieu des flammes et des ruines, Haïti s’effondre dans un silence assourdissant. Un silence peuplé de cris. Trop de cris. Ceux des enfants arrachés à leurs écoles. Ceux des vieillards oubliés dans des maisons éventrées. Ceux des mères qui hurlent, le regard vide, l’âme amputée. Chaque ruelle, chaque place publique, chaque camp de fortune abrite une douleur son nom. On n’écoute plus personne, parce que tout le monde crie en même temps.


Mais si, juste un instant, on faisait taire notre propre douleur pour entendre celle des femmes ? Ces mères, sœurs, cousines, amies, tantes, ces inconnues qui portent dans leur chair les blessures les plus profondes de cette crise. Si on s’arrêtait un instant pour écouter ce que le chaos leur a volé… « Je suis partie sans rien, juste avec mes enfants et ma peur. Une balle a sifflé, j’ai couru. J’ai couru comme une folle. »

 – Dodone, 40 ans, déplacée de la Plaine du Cul-de-Sac.


C’était il y a quelques mois. Dodone a fui son quartier envahi par les hommes armés. Elle a marché deux jours, dormant parfois sur des bancs de camionnette ou dans les rues, parfois à même le sol. À Kenscoff, une connaissance l’a accueillie pour quelques nuits. Mais dans un quartier qu’elle ne connaît pas, les dangers ne l’ont pas laissée en paix. « Trois hommes m’ont attrapée une nuit. Ils m’ont jetée par terre. J’ai crié, personne n’est venu. Ils m’ont violé. Depuis ce jour-là, je ne suis plus pareille. Les mauvais souvenirs me hantent. Je souffre d’une hémorragie, je n’ai personne vers qui me tourner. Heureusement, je n’ai pas contracté le VIH par ce que j’ai été sous PeP »


Dodone baisse les yeux. Elle n’en dira pas plus. Elle n’a pas porté plainte. La honte, la peur, la solitude ont scellé sa bouche. Elle pense à ses enfants. Ce sont eux qui la forcent à tenir, jour après jour.



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Plus loin, dans un camp de fortune installé derrière un marché public de Carrefour, Mickaëlle enroule un foulard sur sa tête. Elle aussi a fui, avec sa mère et ses deux petites sœurs. Elle rêvait de devenir infirmière. Aujourd’hui, elle pense à survivre, simplement.

« Ici, il faut tout négocier. Même un seau d’eau. Un jour, un homme m’a dit que si je voulais nourrir mes sœurs, je devais coucher avec lui. Il m’a pris dans une tente. J’ai vomi après. Je voulais mourir. »


Ce n’était pas la première fois. Ni la dernière. Dans ce camp, comme dans tant d’autres, les femmes troquent leur corps contre du riz, du savon, un paquet de biscuits , entre autres. Certaines sont mineures. Beaucoup sont enceintes. Peu parlent.


« Tu penses qu’on aime vivre comme ça ? Ce n’est pas une vie. Ce n’est même pas de la survie. C’est de l’humiliation. »


Les deux femmes ne se connaissent pas. Elles vivent à des kilomètres l’une de l’autre. Mais leur douleur est identique. Elles n’attendent plus rien des autorités.

« On nous dit de signaler les cas de viol. Mais à qui ? Et pourquoi faire ? Personne ne bouge. Personne ne protège. », dit Mickaëlle.

Dans une salle communautaire de Port-au-Prince, une militante des droits humains confie sous anonymat :


« Depuis le début de cette crise, le nombre de cas de violences sexuelles a explosé. Mais ce n’est que la partie visible. La majorité des femmes ne parlent pas, par peur des représailles. Ou parce qu’elles savent que la justice est faible. »

À travers leurs récits, une chose revient avec force : les femmes ne demandent pas la pitié. Elles réclament leurs droits. Le droit de vivre sans violences. Le droit d’élever leurs enfants sans crainte. Le droit de marcher dans leur quartier sans avoir peur de se faire traîner dans un coin.


« On est des êtres humains. On mérite de vivre comme tels. Ce n’est pas un luxe, cest notre droit », conclut Dodone.


Dans le silence général qui s’abat sur Haïti, les cris des femmes doivent devenir notre alarme. Il ne suffit plus de compatir. Il faut agir. Parce qu’une société qui piétine ses femmes est une société déjà morte. Et elles, malgré tout, sont encore debout. Mais jusqu’à quand ?


Dodone et Mickaëlle : Noms d'emprunt

 
 
 

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