À Cité-Soleil, comme dans plusieurs autres coins de Port-au-Prince, les violences basées sur le genre (VBG) se conjuguent au quotidien. Pas un jour ne se passe sans un nouveau cas de viol, de kidnapping ou de meurtre rapporté. Face à la montée des violences dans le pays, les femmes sont les premières victimes notamment les professionnelles du sexe. Le climat d'insécurité que connait actuellement le pays empire chaque jour la situation de cette catégorie de travailleurs. La pauvreté et la misère déjà endémique dans ce grand bidonville forcent souvent plusieurs d'entre elles à accepter de travailler dans des conditions extrêmement dangereuses avec la présence d'hommes armés dans cette commune située au nord de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Pour accompagner ces professionnelles trop souvent victimes dans cette agglomération, l'association Solidarité Féministe pour une Nouvelle Émergence (SOFENOE) fait partie des organisations et associations qui luttent contre les violences basées sur le genre. La présidente de la SOFENOE, Mme Augusta Moïse Millien, nous parle du sens de la mission de son association dans le plus grand bidonville de Port-au-Prince.
Attitude-Santé : Mme Millien, comment les VBG affectent-elles la vie des PS sur le territoire haïtien, surtout à Cité-Soleil ?
Augusta Moïse Millien : Les VBG sont avant tout des formes de violence dirigées contre une personne en raison de son sexe ou de son identité de genre. Les femmes, surtout les plus vulnérables (les PS), sont les plus touchées. Fort souvent, dans leur travail quotidien, elles rencontrent des clients agressifs, arrogants et même abusifs ; sans oublier des bourreaux, des psychopathes qui font tout pour les dévaloriser, les humilier en les infligeant parfois des traitements inhumains.
Attitude-Santé : Cité-Soleil fait partie des zones rouges du pays à cause de la guerre des gangs et les violences. Beaucoup de cas de violences basées sur le genre : viols et autres y sont rapportés. Comment la SOFENOE s'y prend pour lutter contre les VBG dans cette région ?
Augusta Moïse Millien : Pour s'y prendre, nous réalisons des séances de formation assidues sur les VBG pour les jeunes de la région. Dans notre dernière formation en date, remontant au 30 mars 2015, nous avons réuni trois cent cinquante (350) jeunes de Cité-Soleil. Ils ont été ormés et sensibilisés sur les VBG et les moyens de les combattre au sein de leur communauté.
Attitude-Santé : Mme Millien, pouvez-vous nous parler un peu de la SOFENOE ? Sa mission ?
Augusta Moïse Millien : La SOFENOE est une organisation féministe qui vise l'émancipation des femmes vulnérables de la société haïtienne, les professionnels du sexe (PS) surtout. Notre mission principale est d'encadrer et de sensibiliser les femmes vulnérables qui se trouvent dans des situations difficiles, de leur donner des formations nécessaires pour une émergence totale et la lutte contre les VBG. Pour répondre à notre mission sacro-sainte, nous nous donnons plusieurs objectifs. Nous avons un objectif général et des objectifs spécifiques. Au sein de la SOFENOE, notre objectif général est d'encadrer les PS.
À côté de cela, nous avons cinq objectifs spécifiques qui sont : accompagner les femmes vulnérables (les PS) ; former les femmes vulnérables dans le cadre de la défense de leurs droits et de la lutte contre les VBG ; conscientiser ces femmes-là autour de leurs potentialités ; renforcer leur estime de soi et lutter pour le respect de leurs droits fondamentaux et inaliénables.
Champ d'action de la SOFENOE
Attitude-Santé : À part les points importants que vous venez de citer, quels sont les principaux domaines d'intervention de la SOFENOE ?
Augusta Moïse Millien : Pour rester fidèle à sa mission et ses objectifs, la SOFENOE intervient dans un champ d'action précis. Notre champ d'action reste et demeure l'accompagnement des femmes vulnérables (PS). Nous les accompagnons à travers diverses séances de formation, surtout dans le respect et la promotion de leurs droits comme personne à part entière. Nous organisons également des séances de formation sur les VBG, les infections sexuellement transmissibles (IST) et l'estime de soi. Nous assistons également ces femmes dans le cadre de leurs besoins.
Pour rehausser le domaine de notre intervention, nous avons mis sur pied avec nos faibles moyens une école professionnelle, question pour nous d'accompagner les femmes vulnérables, mais également leurs enfants. C'est ainsi qu'on les procure un métier. L'année dernière, nous avions gradué environ quatre-vingt (80) jeunes et cette année nous venons de graduer une soixantaine environ. Désormais, ces jeunes-là ont un métier et sont prêts à investir le marché du travail ; du même coup la SOFENOE mène un combat contre la délinquance juvénile. C'est ce que nous pouvons offrir à notre chère Haiti.
La SOFENOE s'enorgueillit
Attitude-Santé : Bonne idée pour Haïti. Venons à d'autres réalisations de la SOFENOE dans votre champ d'action.
Augusta Moïse Millien : Une organisation qui se respecte doit avoir un champ d'action, au sein duquel, des réalisations. La SOFENOE peut s'enorgueillir sur un ensemble de réalisations. Parmi ces dernières, citons, entre autres : formation des femmes vulnérables (PS) dans divers départements du pays : l'Ouest, le Sud, le Nord et le Centre. Nous avons fait des plaidoyers au profit des femmes vulnérables (PS) dans le département du Centre ; des séances de formation assidues sur les VBG ; une formation à Cité Soleil réunissant 350 jeunes en date du 30 mars 2015, etc.
Attitude-Santé : En tant que présidente de la SOFENOE, qu'est-ce qui vous inspire de la satisfaction ? Avez-vous récolté des témoignages ?
Augusta Moïse Millien : Je peux dire que les séances de formation et de sensibilisation nous apportent beaucoup de succès, car nous avons des témoignages de ces femmes, une fois qu'elles fréquentent la SOFENOE, n'acceptent plus la bastonnade de leur conjoint ; si cela arrive, elles disent qu'elles vont à la SOFENOE...
Attitude-Santé : Dans la vie tout ne roule pas comme sur des roulettes. Avez-vous rencontré de difficultés dans la mise en œuvre de la mission de SOFENOE ?
Augusta Moïse Millien : Les difficultés sont nombreuses. Dans la mise en œuvre de sa mission, la SOFENOE a besoin du support de plusieurs instances étatiques dont le pouvoir judiciaire, mais parfois ces instances ne réagissent pas à temps ou assez. Souvent, elles demeurent passives. Ce qui rend difficile notre tâche.
Propos recueillis par Marie Juliane David
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