Si les jeunes figurent parmi la population clé, dans la lutte contre la propagation du VIH, l’influence négative des pairs est l’une des principales raisons. Ici en Haïti, le contexte général n’arrange en rien la situation. En effet, les problèmes auxquels les jeunes sont exposés revêtent multiples formes et augmentent leur niveau de vulnérabilité : chômage, extrême pauvreté, inexistence de services sociaux de base, insécurité, entre autres.
Selon Gladimy Ibraïme, Secrétaire général du Réseau Haïtien des Journalistes de la Santé (RHJS) et ex-responsable de communication du Volontariat pour le Développement d’Haïti (VDH), plusieurs facteurs peuvent expliquer l’influence des pairs chez les jeunes. « D’abord, il faut souligner qu’entre l’adolescence et la période post-adolescence, le corps est à un carrefour ou beaucoup de changements s’y opèrent du point de vue biologique », explique-t-il. Sous la pulsion de ces changements, les jeunes sont curieux à l’idée de faire toute sorte d’expériences, ajoute M. Ibraïme.
En plus, fait remarquer le responsable du RHJS, ils ne sont pas obligatoirement assez forts mentalement pour résister à la pression de leurs pairs ni celle venue d’autre source. « Aussi ont-ils tendance à croire à tout ce que racontent les membres de leur groupe, dit-il. D’où les expériences sexuelles précoces, l’usage de la drogue et la délinquance. Ils peuvent s’adonner à des pratiques néfastes rien que pour rester dans l’estime d’un ami », regrette-t-il. Et tout ceci explique pourquoi environ le tiers des nouvelles infections liées au VIH sont enregistrés au niveau des populations des 15-24 ans (EMMUS VI, 2018), explique M. Ibraïme.
De la responsabilité des parents
Pour Lochard Théodore, Secrétaire exécutif de l'association des jeunes contre la discrimination et la stigmatisation (AJCDS), les parents ont également leur part de responsabilité en termes d’influence des pairs. « Ce problème résulte d'une question familiale basée sur un manque de communication et de compréhension parentale », estime-t-il. Selon M. Théodore, également assistant conseiller à l’AJCDS, les jeunes n'ont pas vraiment de mentor ou de modèle pouvant les orienter vers un avenir sûr. Livrés à eux-mêmes, ils sont vulnérables face aux offres déplacées qui frôlent certaines fois l’indécence. « Ils sont incapables d’évaluer le poids des conséquences à venir », regrette-t-il.
De l’avis de M. Théodore, l’absence et la négligence parentale restent des éléments clés par rapport à l’influence négative des pairs. « Les parents devraient changer de méthode en ce qui a trait à la façon d'éduquer leurs enfants, dit-il. Les parents doivent cesser de forcer leurs progénitures à ressembler à quelqu’un qu’ils ne seront probablement jamais. Selon lui, les parents devraient de préférence à les aider tout en acceptant leurs différences physiques, psychologiques ou sociales », recommande-t-il. M. Théodore soutient qu’il est préférable que le parent soit un ami, un conseiller et un soutien à leur épanouissement et non un bourreau voire un tyran.
Le rôle de l’Etat
Selon Gladimy Ibraïme du RHJS, s’attaquer aux conséquences de l’influence des pairs, notamment le VIH/sida chez les jeunes, implique une approche holistique et l’intervention de tous les secteurs dont l’Etat. Celui-ci doit mettre en place une bonne politique de jeunesse incluant, entre autres, l’accès à une éducation de qualité, au loisir sain et à l’établissement d’un environnement propice à la création d’emploi.
Outre les parents et l'Etat, l’Eglise et les organisations, particulièrement celles œuvrant dans le domaine des droits de la personne humaine ont aussi un rôle à jouer. « Elles peuvent surtout intervenir là où les jeunes ont besoin de se sentir protéger, supporter, aimer et ne pas avoir l'impression d'être laissés pour compte », indique M. Théodore. En ce sens, les liens communautaires peuvent être très positifs.
Esperancia Jean Noël
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