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Photo du rédacteurOdelpa

À la rencontre de Hétéra Estimphil, une trans défenseure des droits humains

Dernière mise à jour : 11 sept. 2022


Être une femme dans un corps d'homme. Voici en peu de mots le sentiment qui a habité Hetera Estimphil dès son plus jeune âge. " Je me suis toujours sentie différente par rapport à la façon dont la société exige que je sois ", témoigne sereinement la patronne de " Kouraj ", une institution qui travaille dans le secteur de défense des droits des populations clés en Haïti. " C'est vrai que j'étais née dans un corps mâle comme mes frères, mais dans ma tête j'étais différente. Depuis mes 5-6 ans, je savais que j'étais une fille ", a confié la Transgenre. A cette époque, le successeur de Charlot Jeudy à la tête de " Kouraj " ignorait la terminologie exacte traduisant sa situation, " personne trans ".


Hetera, 27 ans, femme transgenre hormonée, a vu le jour à Port-au-Prince de parents originaires de la Grand'Anse. Elle est issue d'une famille où l'on prône des valeurs et des principes religieux. Sous le toit familial, son identité de genre et son orientation sexuelle y sont perçues comme une abomination, une folie de jeunesse que seule la prière peut chasser. De l'avis de ses parents, la jeune femme trans était possédée par un esprit malsain.


En dépit de cette divergence majeure, ces derniers ne se sont jamais défaits de leurs obligations parentales vis-à-vis d'Hétéra. N'empêche qu'ils restent accrocher à l'idée de voir s'opérer un changement, voire un miracle dans la vie de leur enfant.

" Je n'ai pas connu de rejet au sein de ma famille lorsque j'ai porté à leur connaissance ce que je vivais dans mon for intérieur. Je n'ai subi aucune violence physique de leur part non plus ", a affirmé Mme Hétéra. Dans leur foi chrétienne, elle a été contrainte de jeûner et de prier pour un éventuel changement de leur "fils". "On me demandait de combattre une chose naturelle chez moi par la prière ", regrette-t-elle. "Cela m'a affecté psychologiquement ", avoue la jeune femme trans qui admet ne jamais prier pour cela.


La Transgenre souligne que ces parents n'ont jamais accepté sa transidentité, cependant la respectent. " À l'heure actuelle, mes frères et sœurs reconnaissent ma féminité, ils m'appellent "sista" ", déclare l'éducatrice en droits humains d'un visage rayonnant de joie.


Une tentative de suicide


Le jugement des membres de son église a été bien plus sévère que celui de ses parents. Leur regard, leurs discours discriminants et stigmatisants ont été sans pitié. Alors qu'elle n'avait que 16 ans, Hetera a tenté de se suicider, tant cette situation lui était intenable. De cette douloureuse expérience, elle dit entre être sortie renforcée et plus déterminée.


Son amour et sa passion pour les droits humains ont conduit ses pas à John About Saint Anne de Bellevue, au Canada, à Montréal pour des études en la matière. Accompagnatrice psychosociale, éducatrice en droits humains, spécialiste en genre, Mme Hetera milite fièrement pour le respect des droits de la communauté LGBTI+.


Révoltée par le mauvais traitement dont ses paires sont l'objet au quotidien, la femme trans a intégré en 2013 l'association " Kouraj ", une organisation œuvrant pour le respect des Droits et l'intégration des personnes LGBTI+. Une décision survenue dans un contexte où pullulent de violentes manifestations homophobes faisant plusieurs victimes au sein de la communauté LGBTI+ avec au passage des menaces verbales et des agressions physiques.

Très révoltée par la situation, Mme Hetera a jugé impératif d'aller au secours de ses semblables. " Kouraj " lui offrait les voies et les moyens de le faire et elle en a profité à fond. Environ six ans après avoir intégré cette institution, soit en 2019, elle prend le lead de cette association, après le décès de Charlot Jeudy. Et contre vents et marées, elle la maintient sur les rails.

Esperancia Jean Noël

esperanciajeannoel@gmail.com

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